Mardi 8 juin
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Les mannequins nous rendent-ils «manoréxiques»?
Un article de Fabien Wiktor de Têtu.
Les publicités présentent de plus en plus de garçons au physique improbable.
Mode skinny, ventre ultra plat, les hommes vont-ils subir les mêmes angoisses que les femmes jusqu'à présent? Une association britannique tire la sonnette d'alarme.
C'est un fait: au côté des femmes aux corps improbables de minceur, le
tapage publicitaire propose de plus en plus de modèles masculins très sveltes. Cette tendance va-t-elle conduire les garçons à partager les complexes dont les
femmes souffrent depuis des générations? Vont-ils eux aussi tout faire pour que leur corps ait l'air d'avoir 17 ans jusqu'à la retraite?
Taille 27
C'est la question que semble poser le Daily Mail, à partir d'un fait
révélateur: Rootstein, un fabricant londonien de mannequins, a annoncé la sortie de son nouveau modèle «l'homme nouveau» (en français dans le texte,
ci-dessus). Signe particulier: des traits fins, et un 27 de tour de taille. Un modèle parfait pour présenter les jeans skinny. Mais le journal rapporte les
inquiétudes de Beat, une association caritative qui aide ceux qui souffrent de troubles alimentaires. L'anorexie et la boulimie sont en forte progression chez les hommes, et selon Beat,
l'arrivée de ces mannequins ne va pas arranger la situation.
Le New York Times, qui reprend cette information, note au passage l'évolution des tailles des mannequins sortis chez
Roostein depuis 1967, où ils portaient du 33, puis du 31 en 1983, et du 28 en 1994. De même pour le tour de poitrine, passé de 42 à 35 au fil des années. Et le journal constate qu'en effet, 10%
des américains souffrant de désordres alimentaires en 1990 étaient des hommes, alors qu'ils représentent aujourd'hui 25% des cas.
Manorexia
Et le Guardian apporte aussi sa contribution
au débat, rappelant que la «manorexia» s'installe comme une autre forme de trouble de l'apparence chez les hommes, au côté de la plus connue
«bigorexia» qui consiste à vouloir être toujours plus musclé.
L'émergence de l'homme «métrosexuel» pourrait expliquer ce tournant. Un docteur interviewé par le journal britannique explique qu'«il y a dix ans, les femmes et les gays avaient les mêmes risques d'avoir des problèmes liés à leur image. Les hommes hétéros disaient "si nous avons du ventre, c'est parce que
nous buvons de la bière, car nous sommes des hommes, et on s'en fout." Mais cela a changé radicalement.»
«Une collection dictée par la mode actuelle»
Relayé par le marketing métrosexuel, une nouvelle image de l'homme mince et musclé est désormais largement exhibée à tous les coins de rues, à la
télévision, en vitrine, au cinéma. Ce qui rend le public homo encore plus exposé. «Il y a désormais autant de pression sur les hommes que sur les femmes pour avoir
une certaine forme de corps, constate un représentant de Beat. Ces images qui présentent un but à atteindre, les styles skinny, les tailles de plus en plus
minces, c'est dangereux.»
De son côté, la marque de mannequin se défend d'inciter à l'anorexie. «C'est une collection dictée par la mode actuelle, les jeans skinny et les coupes très étroites, comme on en voit partout
chez Gucci ou dans les magazines tendance comme Numéro, explique Kevin Arpino, le designer. Mais je suis sûr que les garçons musclés feront bientôt leur retour.»
Passer des corps très squelettiques aux corps très musclés, est-ce bien cela qui résoudra ces problèmes d'estime de soi? Rien n'est moins sûr.
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