SPORT
Louis Nicollin : gros mots et ballon rond
Nicollin homophobe ?
C'est plus fort que lui. Ulcéré par un milieu de terrain auxerrois, Louis Nicollin n'a pu s'empêcher, le 31 octobre, de le traiter de "petite tarlouze", en promettant qu'au match retour on allait "s'occuper" de son cas. Le Collectif contre l'homophobie (CCH) a sitôt condamné les propos du président du Montpellier Hérauld Football Club, "aussi nauséabonds que l'odeur des poubelles qui ont fait sa renommée". Louis Nicollin s'est excusé auprès du joueur. A sa manière : "On peut se parler, se dire les choses. On est des hommes, pas des gonzesses." Il devait cependant s'expliquer devant le Conseil national de l'éthique, lundi 16 novembre. Celui-ci l'a condamné à deux mois ferme d'interdiction de toute fonction officielle et deux mois avec sursis.
Louis Nicollin est un récidiviste. Il est pourtant averti sur le vocabulaire à employer pour les homosexuels. "Je ne dis plus pédé car je risque d'aller en prison", nous disait-il, il y a quelques semaines. Sur ce point, au moins, il a tenu parole. Lorsque Le Monde l'avait rencontré, au mas Saint-Gabriel, son domaine de 350 hectares en Petite camarque, l'homme était jovial. Il venait de faire quelques longueurs dans sa piscine et songeait à perdre ces encombrants kilos qui, eux aussi, ont fait sa renommée. De retour en Ligue 1 cette saison, son club figure en bonne position au classement. Du coup, Nicollin est réapparu devant caméras et micros.
"JE PRÉFÉRERAIS MONTRER DES FILLES À POIL"
Mais, pendant les cinq années passées hors de l'élite, l'univers du football a considérablement changé. Le dirigeant nouveau (Robin Leproux au Paris-Saint-Germain ou Alexandre Lacombe à Sochaux) est souvent un diplômé de grande école au discours pesé. Seul fondateur de club encore en activité, Nicollin incarne plutôt la préhistoire du football. Etre, à 66 ans, le doyen des présidents ne l'a pas assagi. Il sait qu'il détonne, donc tonne et en fait des tonnes.
Nicollin doit surtout entretenir "Loulou", ce personnage pittoresque pour les uns, abject pour les autres. Au langage en tout cas ordurier. Un quarteron de supporteurs montpelliérains lancent-ils des bombes agricoles (spécialité locale) sur la pelouse de Nice ? Nicollin condamne ces "trois ou quatre grosses merdes" et menace de les interdire de stade. Auparavant, il a ainsi justifié dans Aujourd'hui-Sport son refus de diffuser un spot pour lutter contre l'homophobie : "Après ce sera quoi, les femmes battues ? Je préférerais montrer des filles à poil."
"Il n'y a qu'un truc contre lequel je me battrais, c'est le racisme", affirme-t-il, en se défendant d'être homophobe. Son argument est aussi classique que spécieux : "J'ai des potes qui le sont. Je leur dis que c'est dommage car ils pourraient régaler une femme. Moi, je suis pour Adam et Eve. Enfin, c'est bien, ça leur fait de la publicité... Si on fout sur la gueule des homosexuels, c'est qu'ils doivent le chercher." Les femmes battues aussi ? "Des femmes battues ? Peuchère, ça me fait rire."
"ON VA LES ENCULER"
L'humanité, selon Nicollin, est divisée en trois catégories : les "gonzesses", les "tarlouzes" et "ceux qui ont des couilles", comme les taureaux de la manade de Jean Lafont, qu'il a rachetée. Cette vision a été transmise au fiston, Laurent, qui s'occupe de la gestion quotidienne du club. En octobre 2008, des incidents éclatent à l'occasion d'un derby chez l'ennemi héréditaire nîmois. Les gardes à vue montpelliéraines révèlent un embarrassant SMS de "Junior" adressé aux ultras : "On va les enculer ces pédés de Nîmois."
"Faut replacer dans le contexte, relativise le paternel. Je suis Lyonnais, les Stéphanois, je ne peux pas les voir. Gamin, je crevais leurs pneus. Mais je n'ai pas élevé mon fils dans la haine du Nîmois." La preuve : son conseiller Michel Mézy, ancien joueur de Nîmes, qui fut trois fois entraîneur de Montpellier et trois fois limogé, bénéficie d'une tolérance exceptionnelle en tant que Gardois.
Les origines de Louis Nicollin indiquent que les pagnolesques "peuchère !" dont il parsème ses phrases sont artificielles. Ce "fils à papa", comme il se définit lui-même, est le rejeton d'un négociant en charbon qui a réussi sa reconversion dans le traitement des déchets ménagers. "Si je suis grossier, c'est parce que j'ai fait les poubelles à l'âge de 16 ans, analyse-t-il. J'ai raté trois fois mon bac parce que j'ai eu trois zéro en français. Je n'ai jamais lu un livre de ma vie. Il n'y avait que les maths qui me plaisaient."
En 1967, il implante l'entreprise familiale à Montpellier et en profite pour monter une équipe de foot avec les éboueurs, la Formation sportive de nettoiement, qui, par fusion-absorption, deviendra La Paillade, puis Montpellier-Hérault. C'est la plus spectaculaire success story du football français : accession à la première division en 1981, conquête de la Coupe de France en 1990 avec Laurent Blanc, Eric Cantona ou le Comlobien Carlos alderrama.
"PLUS FORTS QUE LE MUSÉE DU SPORT"
"Ce club, c'est ma fille, s'attendrit-il. C'est mieux que dire que c'est ma maîtresse !" C'est surtout une danseuse pour laquelle il dépense sans compter, car "on ne va pas dans la tombe avec des sous". Depuis 1977, année de la mort du père, "Loulou" est le prospère patron du Groupe Nicolin (300 millions d'euros de chiffre d'affaires). S'il n'a jamais été sanctionné pour ses propos, il a écopé en 2003 de dix-huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lyon pour avoir instauré un système de fausses factures. Plus une amende de 50 000 euros pour avoir confondu la carte bancaire du Groupe avec la sienne.
Ce notable, membre du Club 50, fraternelle maçonnique de Montpellier, et patron (à vie) de la Fédération française de joute nautique, regrette ce pays où on pouvait librement s'exprimer et jouer à La Guerre des boutons. Alors il cultive sa nostalgie dans son "musée du sport", un des trois bâtiments du mas consacrés à ses lubies. "Généralement les collectionneurs ont une passion exclusive. Lui, c'est les maillots et les trophées sportifs, les voitures, les trains, les vieux papiers, les timbres...", s'étonne un des conservateurs.
Avec "2 500 maillots encadrés et vitrés comme des oeuvres d'art, on est plus forts que le Musée du sport à Paris", jure Christian Pelatan, responsable de cette collection privée. Tous sont là, Kopa, Pelé, Beckenbauer, Cruyff, Maradona, et l'ami Platini. Il y aussi des reliques : le sac de sable et les gants de Cerdan, le maillot du brésilien Didi avec du sang séché et les pipes de feu Roger Rochet, président des Verts légendaires.
Le voisin, François Marie-Banier, trouve ce Loulou-là "très touchant". "On est pourtant aux antipodes, admet l'écrivain et photographe. Cet homme bourru et truculent n'a pas d'éducation, il a une grande sensibilité. Et il n'est pas homophobe, c'est absurde. Arletty se moquait bien des juifs et des pédés. La grossièreté est une sorte d'expression chez lui. Elle me fait plutôt rire, car il n'est absolument pas méchant ni mesquin. Je pense qu'il ne se rend pas compte qu'on lui demande d'être un exemple."
Louis Nicollin, la grande gueule homophobe
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